Salut 👋 Je m’appelle Guillaume, je suis né en juin 1984 en Guyane française. Au bout de quelques années j’ai rejoint la métropole urbaine, où le béton m’a accueilli jusqu’à la trentaine.
Comme un signe précurseur, j’ai marché tôt et bien, et parler n’a pas été mon fort. Si on ajoute à ça l'ambiance pas géniale à la maison, ma fascination pour la culture samouraï et un goût pour les westerns, tu as un joli cocktail pour être élu "taciturne de l’année".
A défaut de parler, j’ai par contre énormément observé. Cela s’est révélé un outil efficace pour calmer ma soif de compréhension.
Gamin j’aimais dessiner, puis au collège je suis passé aux jeux vidéos et au roller. Avec un pote on aimait arpenter la ville à la recherche de spots où on pourrait faire de bons sauts avec des figures, ce qui se résumait parfois à un recoin de bâtiment où personne ne va.
Avec la découverte du rap, mes cahiers d’exercices se sont vus peu à peu parsemés de tags. J’ai repris le crayon au lycée, en commençant à gratter des lettrages sur papier. Quelques années plus tard (2003) j’essayais d’apprivoiser les murs.
Le style et les couleurs pastels des années 90 m’avaient tapés dans les yeux. N’ayant pas grandi en région parisienne, j’ai surtout été influencé par ce que je voyais dans les magazines, la scène française bien sûr (Shuck2, GT crew, Nasty...) mais aussi des pointures internationales (Bates, Can2, T-Kid…)
Au début, comme beaucoup j’imagine, j’ai buté sur la difficulté technique de la maniabilité d’une bombe de peinture. Les Montana Hardcore à cette époque avait beaucoup de pression, il était difficile d’obtenir un résultat à peu près propre, d’autant plus quand tu ne connais pas encore bien les particularités des différents caps (embouts). Avec frustration, je constatais que mes graffs étaient bien plus laids que mes sketchs.
Vers 2004-2005, influencé aussi par le travail d'artistes comme Picasso et Frida Kahlo j’ai peint quelques portraits loufoques.
Les années passent et la maîtrise progresse, mais avec un CDI à temps plein la vie se tasse. J’ai l’impression de dédier la majeure partie de mon temps à une entreprise sans y trouver de sens, pas assez en tout cas pour me voir continuer comme ça. Je démissionne.
Libre.
Je m’installe dans un petit appartement en grande banlieue où je vis sur mes économies pendant 2 ans. J’y ai trouvé une bulle d’air, le temps pour tout remettre en question, chercher, retrouver. En 2007, fruit de rencontres en lieux abandonnés, je rejoins l’équipe La Firme. Nous nous gavons de friches vierges, autant en banlieue parisienne qu’en proche province.
C’est l’apogée créative quand mes sprays colorent près de 130 murs sur la seule année 2008. Au cours de cette longue période, les finances s’amenuisant, je sais aussi ce que c’est de n’avoir qu’un pot de peinture blanche et une seule bombe pour m’exprimer.
Ce qui m’éclate le plus dans les lettrages c’est jouer avec les couleurs et les effets, mais on a tendance à s’enfermer dans un procédé linéaire : esquisse / remplissage / contours / 3D / lights, repeat again, l’exécution manque de fun. En prenant forme sur les murs, l’abstraction m'apporte un nouveau souffle.
Libre.
L’influence est psychédélique, les possibilités semblent illimitées. J’essaie de mélanger lettrages / abstrait / visages, et peint en parallèle quelques toiles. Avec l’ami Soko nos styles se complètent et se nourrissent. L’expressionnisme abstrait, Jackson Pollock, le shamanisme, alimentent encore un autre style de peinture.
Au fil des ans, ce sont des lectures d’un autre genre (Eckhart Tolle par exemple) qui m'amènent encore plus de liberté, de lâcher prise, de spontanéité. J’essaie alors de traduire sur mur cet état, qui au final est juste là, en nous et accessible n’importe quand.
C’est sympa de peindre sur un mur, c’est gratuit, tu ne repars pas avec à la fin de la journée, c’est un sas de quelques heures où tu es libre, seul maître de toi et de ce que tu réalises. Cet instant de création est plus éphémère que l'œuvre elle-même.
Être le vecteur de ce changement en un lieu, et probablement ne jamais revenir. La Friche est un espace autre, qui téléporte parfois dans un temps autre. J’ai récupéré des panneaux, que j’ai peints. Sur leur lieu de travail, les ouvriers qui sont passés devant des milliers de fois auraient-il pu s’en douter ? Des pièces de puzzle, qu’on imagine même pas, se voient connectées.
Oeil d'Oudjat, 2009 (explication de cette peinture <a href="https://www.flickr.com/photos/beplus/3602745857/" target="_blank">ici</a>)
Mine de rien il faut gagner sa vie, et j’ai évité une professionnalisation artistique. Aujourd’hui je ne saurais dire si ce choix était bon. Disons que l‘inspiration n’est pas une chose facile à maîtriser. Devoir créer sans inspiration car il y a des factures à payer, c'est quelque-chose que j’ai à tout prix cherché à éviter. J’ai pour habitude de ne pas laisser des peurs guider mes choix, mais peut-être ai-je failli à ce moment ?
Je ne voulais surtout pas avoir à mentir, ce n’est pas mon truc. Dire ce que l’on pense et faire ce que l’on dit. Aucune envie de reculer. Une seule direction : l’avant. Je me suis laissé porter longtemps, trop longtemps. Accroché à la spontanéité face au mur, j’ai délaissé le papier pendant de nombreuses années, et mis du temps à réaliser que je tournais un peu en rond.
Être en couple c’est devoir penser à autre chose que la peinture. C’est passer une après-midi au calme, isolés, à pique-niquer ou se balader à la campagne. C’est passer des vacances en road trip, de camping en camping. Ainsi nous avons découvert le Pays de Galles, l’Écosse.
Si chercher des lieux abandonnés m’a fait beaucoup marcher, cette activité n’était pas naturelle pour ma compagne, qui a tout de même fini par y prendre goût, randonner à la journée devenant notre loisir. Nous avons également arpenté une partie de la Slovénie, des Alpes italiennes, autrichiennes.
En 2016, boostés par des lectures, la tentation de nous lancer dans l’itinérance à pied est trop forte. J’entends parler du Morvan, je trouve une carte IGN, trace un itinéraire pour 3 jours, et nous voilà partis.
Je retrouve le goût de la liberté et de l’exploration que j’apprécie tant dans le graffiti. Étudier une carte, voir quels secteurs peuvent être intéressants, remplir un sac à dos, y aller. Une fois sur place, même impression de déconnexion, de retrouver une part de nous-même, un espace-temps qui n'appartient qu'à nous.
Je n’ai pas le pied marin, et pourtant il faut surfer, profiter de l’élan, du flot, gonfler la voile du vent intérieur. Apprivoiser sa propre marée, comprendre qu’il y a des accalmies, des périodes plus vives, et l’accepter, ne pas résister.
Si j’ai de moins en moins le mal de mer, gérer une flotte par contre peut être désespérant. Un navire vogue vers la peinture, un autre vers la photo et la vidéo, un troisième vers la marche et le voyage, un quatrième sillonne les mers de mon activité professionnelle d’indépendant, pendant qu’un catamaran trace en direction de la botanique, de l’ornithologie, de l’écologie, le ramassage de déchets… et ce timide optimiste qui veut écrire davantage.
Pour qu’une de ces barques puisse aller loin il faut que j’y concentre mon temps et mes efforts, mais cela semble impliquer un abandon cruel des autres embarcations.
Je crois avoir compris que j’ai un profil de type “multipotentialist”, comme disent les anglophones. Je ne possède pas une vocation, mais un ensemble de possibilités. Suis-je ainsi condamné à m’éparpiller ? A explorer un ensemble de direction sans aller loin dans aucune ?
Cette réflexion a nourri ma direction actuelle. L’idée étant de mêler cet ensemble dans un tout qui m’est unique. Réussir à parler de plantes et de dessin dans une vidéo de voyage, elle-même enrichie d’un travail d’écriture, qui espère semer des graines d’empathie et de bienveillance ? J’ai encore du chemin pour y arriver, et ça tombe bien puisque cheminer m’est naturel. Après tout, à quoi cela sert-il d’être bipède si ce n’est pour avancer ?