Contexte : micro-aventure de quelques jours seul à pied dans la forêt d’Orient (9/2018)
Ayant très bien avancé le matin je profitais d’une longue après-midi, installé à une dizaine de mètres de l’eau. Je passais le temps en dessinant un peu, quand soudain le “splatsh” d’un balbuzard pêcheur s’écrasant sur l’eau non loin me fit presque sursauter, spectacle incroyable et inédit pour moi, un véritable cadeau du ciel, c’est le cas de le dire. Équipé de mes jumelles j’observais avec grand plaisir la rive en face. Plus elle s’ombrageait au fil de la journée et plus elle s’animait. J’y contemplais des animaux par dizaines, des sangliers et des biches notamment. Ce spectacle dura longtemps. Parfois je me demandais pourquoi de mon côté c’était désert en comparaison. Bref, avant que le jour ne baisse trop je marche 5 minutes pour poser la tente en forêt, c’est toujours plus agréable à faire quand on y voit un peu. Je retourne ensuite à mon spot sur la rive.
Alors que le soleil approchait de l’horizon, le ciel prit des couleurs chaudes, profondes, et vint ce chouette moment qu’on appelle “entre chien et loup”. Sans transition, les bruits commencèrent à se faire nombreux autour de moi. Des bruits de pas, d’herbes frottées, de petits branchages qui craquent. Rapidement j’ai vu les sangliers débarquer, à droite à gauche, je me suis très rapidement senti cerné, d’autant plus qu’ils n’avaient pas l’air d’avoir remarqué ma présence. Branle bas de combat, il était temps de décoller vite fait bien fait. Je fouille rapidement dans mon sac pour sortir ma frontale, je la découvre allumée, depuis combien de temps ? La batterie semble sur la fin... A moitié en panique j’attrape mes affaires comme je peux, en fourre dans mon sac à dos, me coince le matelas sous les bras, pas le temps de traîner. J’allume la lampe du téléphone portable et approche de l’orée de la forêt, j’ai l’impression de m’apprêter à pénétrer dans un trou noir, le téléphone éclaire à peine à deux mètres.
J’avance, il y a des bruits de pas tout autour, des petites cavalcades… La vague lueur du téléphone me renvoie parfois une paire d’yeux qui brillent. Je suis presqu’aveugle, mais l’oreille voit bien. Je me fis au point GPS enregistré plus tôt quand j’ai monté la tente. Au moment où je l’atteins, un troupeau de sangliers arrive en trottant. Je me jette dans la tente et ne fais plus un bruit. Le troupeau passe à une dizaine de mètres, puis fait demi-tour brusquement, sans doute alerté par mon odeur de sale humain. Les pas qui se précipitent sont trop nombreux, se superposent, l’oreille n’arrive pas à compter. Un seul individu s’arrête, il hume l’air fortement, tourné vers moi, je l’entends très bien. Une petite prière pour qu’il ne charge pas. C’est la seule nuit où j’ai dormi tout habillé sur mon duvet, chaussures aux pieds, prêt à réagir.
Le lendemain soir, l’ambiance était chic et festive au mariage d’un ami. Grand écart !Depuis ce jour, mes frontales ont un mécanisme de verrouillage…J’ai retrouvé quelques photos de cette balade à pied sur 3 jours, pour l’ambiance :
Bande son : Gaël Faye - Tôt le matin,
qui a inspiré les dessins :
“Fuis l’ennui des villes livides si ton cœur lui aussi s’anime”
“Mourir sous les étoiles, pas dans de petits draps”