Preview

Réveil, douche, boulangerie. Ravi de voir apparaître le bus, qui ne circulait exceptionnellement pas la veille, et dont le chauffeur est bien aimable. En route, nous quittons Lourdes et pénétrons les vallées, sillonnons au pied des géants. Après un changement à Argelès, j’atteins Barèges, point de départ de cette première journée, au cours de laquelle je vais suivre le GR10.

J’aime la lenteur de l’allure à pied, qui permet une transition du paysage aussi douce qu’excitante. Peu à peu, l’urbanisation diminue, les chemins rétrécissent, les arbres rabougrissent un peu, et la roche prend une place prépondérante. Sous le ciel laiteux, les lambeaux de nuages flanqués sur les pentes abruptes amplifient la sensation cotonneuse.

Il n’y a pas grand monde sur les chemins, la foule fût un troupeau de brebis descendant d’estive.

Les torrents sont encore gonflés par les récentes pluies, et demandent parfois un peu d’adresse pour être traversés. L’occasion de rencontrer Quentin, accompagné de Chloé qui peine à franchir le flot abondant. Pause idyllique au bord du petit torrent qui gronde. Je suis enchanté d’être là.

Au lac de Coueyla Gran je suis surpris d’être accueilli par un canard. Il restera à côté de moi toute la durée du pique-nique, en vain, car pour leur bien on ne nourrit pas les animaux sauvages. Il retourne enfin à ses occupations, et je dessine, inspiré par le pic d'Aygues-Cluses face à moi.

Pause au bord du torrent, face au paysage immersif, où plus bas quelques chevaux noirs broutent en liberté.<br>
Pause au bord du torrent, face au paysage immersif, où plus bas quelques chevaux noirs broutent en liberté.
Ciel changeant et chemins quasi déserts réjouissent.<br>
Ciel changeant et chemins quasi déserts réjouissent.
Premier dessin de cette aventure, au bord du lac de Coueyla Gran, face au pic d'Aygues-Cluses qui cache désormais son sommet.<br>
Premier dessin de cette aventure, au bord du lac de Coueyla Gran, face au pic d'Aygues-Cluses qui cache désormais son sommet.

Un crachin arrive à l'improviste alors je termine vite, après quelques photos range mon dessin humide, et me remet en route. Grimpette à nouveau, mon corps s’était bien refroidi mais réclame rapidement de retomber les jambes du pantalon et le coupe-vent. Je recroise Quentin et Chloé, l’occasion de papoter un chouia, et repars. Le crachin s’amuse, va et vient, de même fait le vent froid. Je finis par remettre la veste, et les écouteurs avec de la musique ambiante (Forest management) pour me lover au mieux au creux de l’ambiance feutrée.

Arrivé au col de Madamète, grosse baffe visuelle : en contrebas un lac lové est sous le projecteur d’un rayon de soleil. Derrière, les montagnes sont à moitié dévorées par d’épais et imposants nuages blancs.

Le genou est rapidement douloureux dans la descente. Flûte, lui qui avait été sage dans le Vercors un mois et demi plus tôt.

Les deux heures qui suivent sont un bonheur intense. Les lacs paisibles s'enchaînent, le sentier vire parfois au gros pierrier, pour mon plaisir. La lumière vient sublimer une partie différente du décor de temps en temps. Des parois à la roche plus lisse sont rehaussées graphiquement d’épaisses bandes noires coulantes. Dans ce cadre, quelques vaches broutent sur le chemin. Je m’arrête longuement lorsqu’après avoir ramassé un mouchoir en tissu je découvre pléthore de framboises ! Cela me retient suffisamment pour être rattrapé par le duo, l’occasion de discuter un peu plus.

Baffe visuelle en descendant du col de Madamète<br>
Baffe visuelle en descendant du col de Madamète
Le calme de l'eau fait écho au paysage sonore, pendant que le soleil joue de ses projecteurs.<br>
Le calme de l'eau fait écho au paysage sonore, pendant que le soleil joue de ses projecteurs.
Cette première journée à travers Néouvielle en met plein les yeux.<br>
Cette première journée à travers Néouvielle en met plein les yeux.
La vue est parfaite pour un petit goûter sauvage de framboises aussi petites que parfumées.<br>
La vue est parfaite pour un petit goûter sauvage de framboises aussi petites que parfumées.

En longeant le lac d’Aumar, je reviens sur mes pas, questionné par le panneau indiquant l’une des deux zones où, dans cette grande réserve naturelle de Néouvielle, le bivouac est autorisé. J’avais songé aller au lac de l’Oule, mais il est 17h et rien de m’oblige à faire 7 km de plus, d’autant plus qu’on a déjà bouffé quasiment 1400m de D+ aujourd'hui d’après le tracé. Je sais le corps capable d’être une machine, mais je sais aussi son besoin de progressivité, pour l’aider à comprendre ce dans quoi je me suis embarqué. Go zone de bivouac.

D’après la carte il y a non loin : des toilettes, un robinet, une salle d’hivernage. En pratique, quasi rien de tout ça : les toilettes récentes sont fermées, celle qui reste est un peu dégueu, pas de robinet, salle d’hivernage fermée. Je vais filtrer un peu d’eau plus loin.

À ma surprise il n’y a personne à la zone de bivouac. Elle se situe à l'extrémité d’un grand lac artificiel, côté retenue. Bien qu’il ne soit pas 19h (heure officielle pour le bivouac sur les panneaux), les rafales de vent, le ciel qui se couvre, m’incitent à monter la tente. Cette dernière étant parfois bien secouée, un bon rocher accompagne une bonne partie des sardines.

On a vu pire aire de bivouac !<br>
On a vu pire aire de bivouac !

Gros brin de toilette avant d’avoir la flemme, car la transpiration fût généreuse. Un jeune couple arrive et s’installe un peu plus loin, je ne les vois plus et m’imagine que ces malins sont bien abrités du vent...

Plus tard, des bruits trahissent un nouvel arrivant. Je vais faire un petit tour sur la digue, bref car le vent est des plus rafraîchissants. Je remarque une autre tente, voir ses occupants en train de manger debout, bien emmitouflés sans grand chose qui dépasse, véhicule une sensation de froid. À mon retour, je vois le gars qui s’installait tout à l’heure galérer à mettre la toile extérieure de sa tente dans les rafales, et vais l’aider.

Alors qu'on discute depuis pas très longtemps, la fille du “couple de jeunes” débarque en nous demandant si on a un réchaud car leur cartouche vient de se vider intégralement. Je vais chercher mon réchaud à alcool “top-notch”, fait maison une semaine plus tôt. Sa première utilisation in-situ va bénéficier à autrui.

Leur grosse casserole de cuisine à l’ancienne (genre émaillée) parait un poil disproportionnée pour mon réchaud, mais je charge en alcool et quelques minutes plus tard leur eau bout. Comme il reste plusieurs minutes de flamme, je me fais également chauffer mon eau dans ma mini popote toute légère. On discute encore, puis je file finir de préparer mon repas. La nouvelle soupe que j’essaie n’est pas terrible, et je pense déjà à demain soir quand je rechignerai à dîner, mais le sort est joueur.

Vaisselle à l’eau claire, étirements, et zou au chaud, l’occasion d’étudier les possibilités du lendemain, revoir les photos, écrire le journal. Enfin les bâillements s'intensifiant, je me force à m'extraire de mon chaud cocon. Dents, pissou, en remarquant la beauté du ciel étoilé.

Le thermomètre n’annonçant déjà plus que 6°C, les appareils électroniques dormiront au chaud avec moi.

La nuit est suffisamment froide pour provoquer un réveil régulier, mais pas assez pour que je me motive à enfiler mon pantalon de pluie et ma doudoune. Ma flemme me perd et j’en paierai le prix.

Barèges > Lac de Coueyla-Gran > Col de Madamète > Lac d’Aumar > Lac d’Aubert

15.7 km   1360 D+   440 D-