2°C au réveil. Il semble que je sois le premier debout. Je file aux toilettes, prends mon petit-dej, plie la tente. Le gars que j'ai aidé la veille vient finir la discussion entamée. Il a vraiment une bouille sympa, il est sur le GR10 jusqu’à Bagnères-de-Luchon, où il me dit qu’il y a une gare. J’en suis un peu surpris, et mes méninges s'agitent, étudiant la possibilité de continuer vers l’est au fil de la semaine au lieu d’explorer seulement Néouvielle et ses alentours.
On se souhaite le meilleur pour la suite et je décolle.
Les lumières matinales sont très photogéniques au lac d’Aumar, dont l’eau est transparente. Sitôt au soleil il faut tomber les jambes du pantalon et la veste. Pas le moindre nuage à l’horizon, le soleil va taper.
Je vois sur la route la file des voitures de randonneurs à la journée qui avance. En direction opposée je descends, traverse les étendues ondulantes à l’herbe rase, où deux marmottes traversent tranquillement. Je longe un cours d’eau paradisiaque, puis ondule sur le flanc qui se couvre d’arbres. Revenu à l’ombre j’ai l’impression de perdre à nouveau 20°C d’un coup et accélère le pas.
Au col d’Estoudou, une vraie foule semble monter du secteur d’Orédon, je passe la quatrième pour les semer. Peu de temps plus tard je vois Chloé et Quentin devant moi, ils le font exprès c’est pas possible ! Plaisantage, papotage, on marche ensemble. Leur allure en descente étant faible, on se distance. En chemin, un ruisseau d’apparence calme trahit la fureur dont il est capable, les herbes sont couchées jusqu’à 1m au-dessus.
Choppant un peu de 4G je vérifie cette histoire de transports à Bagnères-de-Luchon, et il semble qu’il y ait une gare routière. En 2h dimanche après-midi je peux être à Tarbes. Il va falloir me décider.
Le duo me rejoint et on atteint le lac de l'Oule, qui n’a alors de lac que le nom. Il s’agit d’une énorme retenue d’eau, entièrement vidée, pour des raisons de travaux/entretien semble-t-il.
On continue à faire connaissance. Ils habitent du côté de Faux-la-montagne, comme je connais un peu le secteur (notamment pour avoir fait le tour du plateau de Millevaches à pied) ça alimente la discussion.
Arrivés à une bifurcation, nos chemins se séparent, je les préviens qu’ils ne s’attendent pas à me recroiser cette fois ! Mais le sort aime se jouer de nous.
Un brin de menthe fraîche au bec, je remonte la vallée en direction du lac de Port Bielh. C’est charmant, ombragé, la lumière est divine, quelques papillons embellissent la scène. Je ne resiste pas à l’appel d’une pause au bord du torrent. Les reflets un peu turquoise de son eau, le bouillon de son écume, les jeux de lumière sur les rives me séduisent et m’absorbent. Je repars, savourant le calme, mais mes jambes semblent lourdes. Ce sentier semble moins emprunté, il est plutôt marqué mais un peu accidenté, je n’y croiserai en tout et pour tout que 3 personnes. Plus tard, un nouveau spot idyllique lance l’appel du pique-nique. Le ruisseau est plus doux à cet endroit, plus paisible, je trempe mes pieds dans son eau un peu glaciale.
Remis en route, je me hisse jusqu’à la cabane de Coste Queillère, petit abri en métal étonnamment propre. Un panneau à l'extérieur m'indique que le bivouac est interdit dans toute la zone de la forêt communale de Vielle Aure, dont la surface couvre la totalité de la vallée, y compris l'extrémité où j'avais envisagé dormir.
Je m’imagine alors passer la nuit à la cabane, mais il est 14h alors j’ai du temps devant moi. J’avais en tête une boucle par le lac de Gourguet et le pic d’Aygues-Cluses. Je me fais les 100m de déniv jusqu’au lac, et déchante en voyant que le pic a peut-être l’air plus technique qu’escompté. L’ayant dessiné la veille depuis son côté ouest il ne m’avait pourtant pas semblé difficile. Tant pis, vu mon état de fatigue je rebrousse chemin, repasse à la cabane et continue l’ascension vers le lac de Port Bielh.
Pour dormir en toute légalité il me faudra pousser jusqu'au refuge de Bastan. Pour cela je n’emprunte par le chemin direct, et décide de passer par le lac de la Hourquette et le col de Bastanet. Je peine comme rarement, tente un podcast qui n’aide qu’un temps, puis switche sur un album des Pink Floyd, c’est plus efficace. J'atteins le lac de Port Bielh, longe sa rive via quelques pierriers sympathiques. Arrivé au pied de la grimpette pour la Hourquette de Caderole (col), je remarque que je n’ai presque plus d’eau, j’ai oublié d’en filtrer au lac et j’ai la flemme de faire l’aller-retour… J’essaie de m’accorder au moins une pause/sieste de 10/15 minutes avant l'ascension, je me sens lessivé.
Une marmotte finit par me houspiller. Je la repère perchée sur un rocher. Ça va, ça va, de toute façon j'allais me remettre en chemin.
Gros pierrier, puis chemin raide en zigzag. En sens inverse j’y croise un gars seul, qui a l'air en pire forme que moi. Je lui demande quelle destination il vise ce soir, et il me répond les rives du lac en contrebas. Je l'informe donc du panneau d'interdiction et de la cabane, mais je doute qu'il aura la force d'aller bien plus loin.
Au col la vue est assez sensationnelle, le lac de la Hourquette en jette, et je n'ai pas tout vu. Je trouve un filet d'eau, filtre et bois généreusement, mange la deuxième barre de l'après midi. Je revis un peu.
Je monte au col de Bastanet, croisant une quinzaine de personnes allant en sens inverse. Au col, la vue plein nord est sublime. J’excuse un peu les météorologues, pour cette journée où contrairement aux prévisions je n’ai pas encore vu le moindre nuage. Il y a bel et bien un dense plafond nuageux, simplement il est plus bas !
Il est 17h, et désormais je n’ai plus qu’à descendre jusqu’au refuge, plus personne en vue, la lumière baisse, plus douce elle annonce la fin de journée. Je descends assez bien. Malgré une première partie assez raide et rocheuse, je ne suis pas trop embêté par mon genou. Un moment plus tard je croise le jeune couple pour lequel j’ai fait chauffer de l’eau la veille. La fille semble à la peine. Ils me demandent où se trouve le refuge de Campana de Cloutou. Il reste un petit bout, avec une fin de montée raide, bon courage.
Quelques minutes plus tard, je croise un groupe de jeunes, qui ont dormi sur la même aire de bivouac que moi. Je reconnais surtout le dernier, un rouquin un peu distancé, à qui j’ai dit bonjour ce matin. Il en bave, et n’est pas au bout de ses peines. Je le motive un peu en lui parlant de la vue au col, sans le spoiler.
La lumière devient vraiment sublime, le lac supérieur incite à la photo. Deux tentes sont en train d’être montées sur sa rive.
J’atteins le refuge. La bouteille de bière à 18€ pousse à opter pour l’ice tea à 3,50€. Sarah, qui gère toute seule ce tout petit refuge, est très sympa et sociable. Je remarque le gros cèpe posé sur une table, et elle m'avoue qu'elle est embêtée car elle aurait voulu en trouver davantage pour au moins faire une sauce pour le dîner, mais qu'elle ne sait pas quoi faire d'un seul gros cèpe, elle même n’en consommant pas. Comme elle ne veut pas qu'il soit gâché, elle me propose d'utiliser sa cuisine pour le préparer et le manger… Proposition acceptée !
La tête de Quentin apparaît, surprise ! Papotage bref, puis je migre où ils sont installés. Attablés en terrasse, au soleil, face aux “lacs du milieu”, un peu de vin pour eux, et du chorizo qu’ils partagent, la vie est belle. Un allemand, qui se débrouille très bien en français, est là aussi. La petite cinquantaine, athlétique et végétarien, il dégage une douceur humble et tranquille. Nous parlons un peu montagne.
Un trou dans le ventre me pousse à aller cuisiner ce cèpe. C’est drôle de s’installer en cuisine dans un refuge. Je débite le cèpe, le fais bien dorer avec du beurre et de l’ail en poudre. Je fais ensuite cuire des spaghettis, que j’ajouterai ensuite aux cèpes, faisant revenir le tout avec un peu de crème. Dans la salle, trois grandes tables se sont emplies des convives. Tout le monde discute avec ses voisins dans une ambiance très chaleureuse et conviviale qui fait plaisir à voir !
Entre les plats on papote en cuisine, autour d’un verre de blanc. Mon assiette prête, je vais manger au calme dehors, profitant de la vue.
Pour remercier Sarah je fais ensuite une bonne partie de la plonge. Ça fait toujours plaisir de se sentir utile. Un ami l’ayant rejoint par surprise, ça leur laisse du temps de répit ensemble.
Chargé d’une couverture en laine proposée par Sarah, sac sur le dos je monte me trouver un coin pour bivouaquer. Une proéminence face à une mer de nuages montante, sous un quartier de Lune, offre un spot on ne peut plus parfait…
Je n’ai pas particulièrement froid cette nuit mais dors à peine mieux que la précédente…
Lac d’Aubert > Lac d’Aumar > Col d’Estoudou > Lac de l’Oule > Lac de Gourguet > Lac de Port Bielh > Hourquette de Caderole > Col de Bastanet > Refuge de Bastan
18.1 km 1145 D+ 1050 D-