Je ne suis pas vraiment pressé de me lever, mais j’aimerais dire aurevoir à Quentin et Chloé avant leur départ. En ouvrant la tente la vue m’époustoufle. Les nuages se sont retirés en fond de vallée, le soleil commence doucement à réchauffer les flancs des montagnes, sous un ciel aux couleurs pastels allant du rose orangé au bleu.
4°C ce matin, mais sans humidité, ça passe. Je plie le camp, me débarbouille au lac supérieur, et descend au refuge. Petit-dej, papotages de bonne humeur.
“L’allemand” s’est levé à 5h et est au monté au pic de Pichaley (ma prochaine étape) pour voir le lever du soleil. Il gagne très largement l'officieux “concours de photo”. Le soleil s’est levé sur une mer de nuages moutonneuse, qu’il semble surplomber à peine, les mots viennent à manquer tellement les photos sont sublimes.
Je monte vers le col de Bastan, où je prends une petite claque en découvrant la vue qui s’ouvre soudainement vers l’est. Je bifurque en suivant les traces de passage allant au pic. Cette partie nécessite de la vigilance. Bien que je sois raisonnable, ce qui est très subjectif, la balise InReach achetée d’occasion quelques semaines plus tôt rassure un peu.
Je grimpe, m’aidant parfois des mains, évitant certains passages raides où le gravier glisse sous les pieds. Au sommet la vue panoramique est sympa, sans apporter beaucoup plus que celle du col. Je repense à l’allemand qui est monté par là avant le lever du jour, et me dis que je n'aurais pas aimé faire ce bout de chemin de nuit, quoi que sans les vues ça doit être moins intimidant.
En redescendant sur l’autre versant, beaucoup plus herbu et facile, je croise un groupe de retraités randonneurs. Celle qui est en tête a un peu d’avance et ne semble même pas essoufflée. Par deux fois on me demande comment est la descente côté col, mais je sens quand même les habitués.
Après le pic du Pichaley à 2626m, j’enchaine le Montarrouyet et le pic de Montarrouyes (2473m et 2462m) qui font de tout petits détours.
Prochaine étape, rattraper le GR10 qui passe en contrebas. Aujourd'hui c’est ravito, je n’aurais pas le temps de remonter, de la pluie est annoncée, et j’ai enchaîné deux nuits pas terribles : les ingrédients sont réunis pour se trouver un toit pour la nuit. J’enlève le mode avion, trouve un peu de 4G, puis une chambre d’hôtel à environ 60 €. Cette dernière se situe à Cadéac, ce qui détermine la suite de l’aventure : pas de prolongation à l’est, au contraire je vais explorer la partie nord comme prévu initialement.
Le ciel s’est voilé progressivement mais le soleil chauffe encore un peu. J’ai tombé la veste et continue à descendre, atteignant les remontées mécaniques, inertes, et file directement par les pentes herbues des pistes de ski. Des vaches me fixent, surprises de voir un humain là.
Ce passage du GR10 vire à l’autoroute car le dénivelé est faible et le sol bien damé par la foule. Quelques troupeaux de vaches ou de brebis épars broutent, parfois couchés sur le chemin. La vue sur la chaîne Pyrénéenne est de plus en plus belle, mais les vautours volent la vedette. Ils sont une dizaine à s’élever dans les airs, en cercle. Ce contraste entre leur taille et leur légèreté apparente me fascine toujours.
Je passe la cinquième, croise une seule personne de toute la matinée à part le groupe de retraités. Les pâturages sont parsemés de grandes lépiotes, mais je n’ai pas de quoi les cuisiner convenablement. En arpentant les chemins secs, une dizaine de sauterelles bondit à chacun de mes pas.
Avant la descente en forêt, je pique-nique un peu à l’arrache, car je n’ai plus ni fromage ni crudité. Je me délecte du paysage, des vautours qui planent lentement, et du relief très savoureux qui découpe l’horizon. Sur la carte topographique et avec la boussole je prends quelques repères, me permettant d’identifier derrière quelles crêtes, quels sommets, Matthieu et moi sommes passés via la HRP il y a 3 ans.
J’enfile la veste en prévision d’un choc thermique en passant à l’ombre de la forêt, c’était bien vu. C’est impressionnant à quel point l’ambiance change en quelques minutes. Je sens l’humus, les champignons qui sortent de toute part. Ce changement de décor rafraîchit instantanément les esprits, ce qui ne fait peut-être pas de mal, car après avoir encaissé 1300m de D- m’en voici encore 800 à avaler d’une traite.
Le chemin est globalement beau, la forêt est un milieu qui me ravi, où je me sens généralement en terrain familier. Certains passages sont par contre un peu raides et glissants, le genou droit secoue fort la sonnette d’alarme. Patiemment j’arrive en bas, profite du petit torrent de fond de vallée pour me rincer le corps et faire un petit break avant “d’aller en ville”.
Image intemporelle que de débarquer le sac et le pas légers, sur le sol devenu facile, corps rincé, chemise sur le dos, croquant une pomme ôtée de sa branche.
Balade innocente, croisant une mamie souriante. Un flashcode sur un mur de pierre sèche renvoie vers une piste audio, où des anciens dialoguent de façon mélancolique voire émouvante. Je fais mon ravito au supermarché d’Ancizan, puis marche le long de la route jusqu’à l’hôtel de Cadéac.
Si le bâtiment principal a été épargné, la petite piscine porte les stigmates des récentes crues, elle est intégralement recouverte d’une épaisseur d’au moins 10 cm de vase, sable, gravier gris foncé.
Je récupère ma chambre, petite, pas toute fraîche, c’était la moins chère (59 €). Je branche mon téléphone, auquel il ne restait que quelques pourcents, je me déshabille et commence à rincer puis laver mon linge dans la douche. Au bout de quelques minutes l’eau chaude commence à manquer… donc je me lave rapidement, puis finis de m'occuper de mon linge à l’eau froide.
J’envoie quelques nouvelles et photos sur whatsapp, puis pique-nique devant “Tout simplement noir” de Jean-Pascal Zadi, qui passe sur Arté. Ne pas avoir la télé à la maison depuis bientôt 20 ans pousse la curiosité à m’en gaver chaque fois que je suis dans une chambre d’hôtel.
Comme souvent, malgré l’envie de me reposer j’éteins bien après 23 heures. De toute façon je me réveille régulièrement, donc nuit pas très réparatrice.
Refuge de Bastan > Col de Bastan > Pichaley (2626m) > Montarrouyet (2473m) > Montarrouyes (2462m) > Guchen > Ancizan > Cadéac
20 km 605 D+ 2115 D-