La musique qui marche au pas, cela ne me regarde pas.
Je me réveille tôt comme d'habitude, essaie de me rendormir plusieurs fois. Aujourd'hui il fait soleil, c'est déjà meilleur pour le moral, et pour la batterie du téléphone grâce à mon petit panneau solaire. Au petit-déjeuner, je m'enfile presqu'entièrement le sachet de granola de 350 grammes prévu pour plusieurs jours, et deux heures et demie plus tard mon ventre gargouille déjà. Que m'arrive-t-il ?
Je passe toute la matinée à dessiner dehors sur la table, c'est assez agréable même si mon corps a perdu l'habitude de rester aussi statique. J'essaie d'être le plus doux possible avec mon dos et ma cuisse, encore très sensibles. Sur internet je cherche des étirements spécifiques, lis quelques articles sur le sujet. À l'heure de déjeuner je vais faire un tour de 4,5 kilomètres, lentement, "récupération active" ai-je lu. Ça fait du bien au moral en tout cas.
Quelques heures plus tard, ma cuisse me lance un peu à nouveau. Mon dos aussi parfois, il n'apprécie pas du tout les positions voûtées. Le reste de la journée consiste à dessiner, faire la sieste, élargir mon sommier d'un troisième banc. J'essaie d'organiser les trois monnaies que je transporte : euros, kunas, marks, sachant qu’aussi proche de la frontière on peut payer avec les trois ! Dans le reste du pays, les kunas sont peu acceptées, mais il est fréquent de payer ou se faire rendre la monnaie avec un mélange de marks et d'euros. Avant de m’endormir, je compte à nouveau les chauves-souris qui sortent les unes après les autres.
4,6km +/-150m
Le matin, je retourne faire des courses à la supérette de Prisoje, afin de ne manquer de rien, quelques fruits, légumes, et boisson fraîche sont les bienvenus. Je passe le reste de la matinée et l'après-midi à dessiner. Au cours de cette journée je prends la décision de quitter la friche, non pour reprendre le chemin mais je me dois de maximiser l'efficacité de ce temps de repos. Dormir sur des bancs qui grincent quand on bouge, dans un lieu où les bruits font parfois tiquer, ampute l'effet réparateur des nuits.
En fin de journée, je me dirige donc vers Bosnjak household à Gaj, une guesthouse située à peine à quelques kilomètres. J'en ai entendu parler par Carsten qui m'a écrit par email y être resté. Aucun être humain n'est là quand j'y arrive, mais la chienne me fait une sacrée fête et me colle pendant l'heure que je passe à attendre. Les propriétaires ne peuvent être loin puisque les clés de la maison pendent sur la serrure à l'extérieur.
Une femme âgée souriante finit par arriver, je la salue et elle m'invite à entrer. Elle s'appelle Luca (prononcé "Loucha") et ne parle pas un mot d'anglais, j'ai l'impression que ça va être un peu compliqué.
Elle me montre la salle de bain, ma chambre. Je lui indique que je souhaite rester deux nuits, et refuse gentiment le dîner et le petit-déjeuner. Toujours enjouée, elle revient au bout de quelques minutes avec un téléphone, à travers lequel sa petite-fille anglophone s'assure que nous nous comprenions bien. Finalement j'ai craqué pour le petit-déjeuner. Un utilitaire arrive, contenant trois hommes, qui vont occuper les autres chambres. La façon dont ils parlent avec la femme qui gère le lieu laisse deviner des liens familiaux. Je cuisine et dîne dans ma chambre, puis sors faire un tour, jusqu'à ce que la nuit me ramène.
Merci Luca pour ton accueil !
7,5km +140m -235m
Pendant la matinée, je suis parti me promener à pied, paisiblement sentir comme la vie est calme et douce dans ce coin bucolique de Bosnie-Herzégovine. Je me suis amusé de scènes qui doivent être banales par ici, comme ce troupeau de vaches qui sort seul et passe à quelques mètres alors qu'assis à une table d'un bar cosy je sirote une pinte.
J'ai exploré les alentours, me suis payé un restaurant, fait des photos et dessiné. Une journée à se détendre, l'idée étant de passer le temps, sans effort et sans traîner à la guesthouse car la barrière du langage est pesante. J'ai bien des questions à poser à Luca, mais je suis tout simplement trop impressionné.
Après tout je suis arrivé seul, après plus de 350 kilomètres à pied, avec peu d'affaires et pas en super forme. Cet arrêt n'était pas prévu, et je me sens un peu démuni, comme cloué sur place, quand mon hobby est le mouvement. Pour un premier pas en Bosnie-Herzégovine c'est plutôt original. Le plus important c'est que le moral est bon. On sait la vie bourrée d'imprévus, que l'on voit rarement venir. Cette vérité est présentement intensément palpable, qu'il est bon de se sentir vivant !
6,4km +100 -90