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24 juillet

Levé tôt, je fais le moins de bruit possible, ne traîne pas. Je souhaite aller au sommet de Zelena Glava (littéralement “la tête verte”), point culminant du massif. Assez rapidement, je constate la puissance de deux éléments météorologiques : le brouillard et le vent.

C’est drôle et jouissif de se retrouver aux premières heures du jour, seul, à arpenter un massif sauvage, dans des conditions de visibilité très aléatoires. Le brouillard a souvent cette faculté à nous déconnecter, comme si nous nous retrouvions dans une de ces boules de Noël que l’on agite. En suis-je malheureux ? Absolument pas. Ce genre d’ambiance est mythique, je suis comme hors du temps, hors de l’espace, sur un nuage au sens propre comme au figuré.

Évidemment un détail me chagrine : aller sur un sommet quand la visibilité est quasi nulle a un intérêt limité. Il me faut trancher : continuer mon chemin et évincer Zelena Glava, ou attendre que le brouillard se lève ?

Étant sur la fin du périple, je décide de ne rien presser et opte pour l’attente. J'enfile toutes mes couches, même le duvet lové autour du cou, et blottis à l'abri d'un rocher, je dessine pendant presque trois heures. Le paysage face à moi est réellement vivant, la brume s'intensifiant et s'éclaircissant sans arrêt, étirée, disloquée par le vent fort. La sensation est étrange, un peu cotonneuse, aucun être vivant, pas même un oiseau ou un insecte n'est perceptible.

La patience finit par payer, le temps se dégage et le sommet se révèle… Au même moment, le couple présent la veille au refuge Jezerce arrive. Bien que je ne regrette pas du tout cette longue attente immersive, à dessiner, dans une solitude absolue, il faut avouer que leur sens du timing est parfait.

Ambiances matinales dictées par le brouillard
Ambiances matinales dictées par le brouillard
Deux dessins plus tard, le plafond nuageux semble décider à s'élever.
Deux dessins plus tard, le plafond nuageux semble décider à s'élever.

Il se trouve qu’en fait Anela et Munever parlent quelques mots d’anglais, et me proposent d’aller sur Zelena Glava ensemble, je laisse mon sac et ni une ni deux nous voici en route.

Le trajet n’est pas très long, comprend quelques sections de crapahutage avec des câbles métalliques. Bien que les nuages se lèvent, le vent lui ne faiblit pas d’un pouce et joue avec notre équilibre. La vue au sommet est top et valait franchement le coup d’attendre. Ceci étant fait, poussé par le vent je ne traîne pas et redescend, prêt à continuer ma route.

J’arpente un vallon vert, assez protégé du vent, ce qui provoque une forte et soudaine sensation de calme. Alors que je fais une pause pique-nique, je vois une silhouette arriver derrière moi. Un homme seul, avec un gros sac à dos. Pas besoin d’être voyant, j’ai une bonne idée de son identité. Lui aussi semble marquer un moment de surprise, scrute, et continue à avancer.

Ne pas prendre la grosse tête au sommet de la tête verte, point culminant du massif.
Ne pas prendre la grosse tête au sommet de la tête verte, point culminant du massif.
Ici orienté plein nord, depuis le sommet je devine une partie du chemin parcouru la veille.
Ici orienté plein nord, depuis le sommet je devine une partie du chemin parcouru la veille.

Nouvelles retrouvailles avec Jim, avec joie, il est surpris que je n’ai pas davantage avancé. J’évoque l’écriture des cartes postales à Jablanica, la longue ascension aux heures les plus chaudes, la bière fraîche trouvée en chemin, le détour par le refuge Jezerce, l’attente pour Zelena Glava… Disons que j’ai eu mon lot d’extras.

Notre duo étant réuni, nous reprenons nos discussions en évoluant dans un décor parfaitement bucolique. Il fait désormais franchement soleil. L’herbe est verte au sol, jaune et dorée là où elle est plus haute. Le relief est très ondulant, sensation accentuée par le vent qui caresse les herbes et les sapins épars. A part le maigre sentier que nous empruntons, le décor semble vierge de toute empreinte humaine, sauvage, doux, beau et lumineux à la fois.

En fin d’après-midi nous atteignons une sorte de refuge sommaire, près duquel se situe un réservoir d’eau. Nous décidons de nous arrêter là pour aujourd’hui. Je songe un instant à dormir dans le refuge mais la quantité de crottes de loirs et autres rongeurs du même genre ne m’inspire pas une nuit tranquille, alors je monte la tente.

Nous savourons le cadre, le calme, papotons tranquillement. Je le sais, pas d’échappatoire, demain c’est le siège éjectable qui m’attend. Je propose à Jim toute la nourriture qu’il me reste et il accepte volontiers ce qui l’arrange.

Pincement au cœur et dernier bivouac de la traversée.
Pincement au cœur et dernier bivouac de la traversée.

10,75km +625 -785m