La trentaine passée, je sens le temps filer à toute allure. Je me sens anesthésié par une routine métro-boulot-dodo, lassé des jours qui se ressemblent, et plus les années passent, plus le béton m’écoeure. J’ai quitté la banlieue pour la campagne, mais l’empreinte de l’Homme y est encore trop présente, ainsi chaque congé, week-end prolongé, est l’occasion de crapahuter vers plus de nature.

Les montagnes étant loin, c’est le Morvan qui a usé mes semelles et accueilli maints bivouacs, mais aussi la forêt d’Orient ou tout simplement la Seine-et-Marne. Chacun de ces brefs séjours est l’occasion d’acquérir de la technique, devenir familier du matériel, renforcer un appétit pour le minimalisme, mais surtout déconnecter, se vider la tête, expérimenter la simple présence, se sentir vivant, attentif. C’est une sensation forte de plénitude, presque de bonheur. J’y ai appris à lâcher-prise, assis seul dans la forêt la nuit tombée, j’ai abandonné mes peurs comme on enlève des couches de vêtements.

Par ailleurs ce goût de l'aventure a été nourri par bien des lectures, telles que :

En plus des randonnées à la journée, quasi chaque weekend, pour sa réputation de sport complet je pratique la natation plusieurs fois par semaine depuis quelques années. Je n'ai pas d'ambition particulière, aucun exploit en tête, et n'ai jamais eu l'esprit de compétition. Simplement en étant bien en forme j'espère me garder une marge de sécurité, entraînant moins de fatigue et plus de liberté.

Le genre de vues dont les montagnes croates ont le secret.

C’est un article sur le site randonner-malin qui m’a fait découvrir ce sentier de longue distance traversant des recoins sauvages des Balkans. Le cadre s'annonce plus ou moins escarpé, et peu habité si ce n’est d’une faune et d’une flore riches, citons entre autres les ours bruns et les loups. L’itinéraire traverse sept pays : la Slovénie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie, le Monténégro, le Kosovo, et l’Albanie, pour une longueur totale de plus de 1200 kilomètres. Il y a trois variantes : la verte dans les terres, la bleue en bord de mer, et enfin la blanche, celle des montagnes, qui semble la plus intéressante !

Après un nouvel été de randonnées à la journée en montagnes italiennes, slovènes, autrichiennes, et de treks* de quelques jours en France, je me sais accro, et j'ai très envie d'un projet de longue randonnée, vivre l'aventure, si possible loin de la foule et de la facilité.

Cela me laisse huit mois pour être prêt, c’est beaucoup, mais il faut quand même étudier un minimum le parcours, se renseigner sur les possibilités de ravitaillement en nourriture, en eau, la législation des différents parcs naturels, les formalités nécessaires pour traverser les frontières, les dangers particuliers et vaccins nécessaires, le climat, les langues, les monnaies, les cartes topographiques disponibles, les moyens de transport, les réseaux mobiles… Étant en couple, ma liberté n’est pas totale, j’ai pu négocier cinq semaines et c’est déjà pas mal, mais insuffisant pour couvrir la totalité du parcours. La question ultime qui s’ajoute à la liste est donc : quelle(s) section(s) vais-je parcourir ? Pour me garder l’effet de surprise et le plaisir de la découverte j’ai évité de regarder les vidéos ou photos visibles sur internet.

*trek Ce mot de la langue Afrikaans (parlée en Afrique du Sud et dans les pays voisins) vient du néerlandais et signifie “migration”. Il est lié aux exodes des populations fuyant l’occupation des colons. On y trouve la notion de déplacement longue distance, chargé de ses possessions. Ce terme “trek” ou “trekking” désigne aujourd’hui les randonnées sur plusieurs jours, que l’objectif soit sportif, de découverte d’une région, d’une culture, ou un engagement éthique de slow-travel (apprécier les choses telles qu’elles sont, à un rythme lent, loin d’une course consumériste, et en utilisant des moyens de déplacements peu polluants).